Phèdre - Acte I - Scène 5

PHÈDRE, ŒNONE.

ŒNONE.

Madame, je cessais de vous presser de vivre ;
Déjà même au tombeau je songeais à vous suivre ;
Pour vous en détourner je n’avais plus de voix :
Mais ce nouveau malheur vous prescrit d’autres lois.
Votre fortune change et prend une autre face :
Le roi n’est plus, madame ; il faut prendre sa place.
Sa mort vous laisse un fils à qui vous vous devez ;
Esclave s’il vous perd, et roi si vous vivez.
Sur qui, dans son malheur, voulez-vous qu’il s’appuie ?
Ses larmes n’auront plus de main qui les essuie ;
Et ses cris innocents, portés jusques aux dieux,
Iront contre sa mère irriter ses aïeux.
Vivez ; vous n’avez plus de reproche à vous faire :
Votre flamme devient une flamme ordinaire ;
Thésée en expirant vient de rompre les nœuds
Qui faisaient tout le crime et l’horreur de vos feux.
Hippolyte pour vous devient moins redoutable ;
Et vous pouvez le voir sans vous rendre coupable.
Peut-être, convaincu de votre aversion,
Il va donner un chef à la sédition :
Détrompez son erreur, fléchissez son courage.
Roi de ces bords heureux, Trézène est son partage ;
Mais il sait que les lois donnent à votre fils
Les superbes remparts que Minerve a bâtis.
Vous avez l’un et l’autre une juste ennemie :
Unissez-vous tous deux pour combattre Aricie.

PHÈDRE.

Eh bien ! à tes conseils je me laisse entraîner.
Vivons, si vers la vie on peut me ramener,
Et si l’amour d’un fils, en ce moment funeste,
De mes faibles esprits peut ranimer le reste.

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